Tchad : ce vieux pamphlet qui embarrasse le candidat Succès Masra

Tchad : ce vieux pamphlet qui embarrasse le candidat Succès Masra

Au Tchad, le candidat à l’élection présidentielle Succès Masra est rattrapé par un pamphlet co-écrit en 2009, dans lequel il s’en prend avec virulence à l’unité du pays.

En campagne pour l’élection présidentielle au Tchad, le Premier Ministre et candidat Succès Masra est rattrapé par de vieux écrits qu’il aurait sans doute préféré voir rester dans l’oubli. En 2009, celui qui n’était alors qu’un étudiant sorti de Sciences Po Paris, signait avec un co-auteur, Béral M. Le Grand, un véritable brûlot sur l’histoire de son pays, Tchad, Eloge des Lumières obscures (voir extraits ci-dessous).

Cette diatribe sans nuance contre la société tchadienne soulève de sérieuses questions sur l’approche du candidat des Transformateurs et sa vision pour l’avenir du pays, à quelques jours du premier tour de l’élection. À travers sa lecture, on découvre un discours qui, loin de prôner l’unité ou la réconciliation, semble s’enfoncer dans une rhétorique clivante et parfois même offensante à l’égard des communautés tchadiennes.

Masra, en ciblant spécifiquement les communautés du nord du Tchad, adopte un ton qui frôle l’insulte et la généralisation abusive. Ses propos sur la guerre civile de 1979 et les régimes qui ont suivi peignent un tableau d’une nation irrémédiablement divisée par des haines ancestrales, une perspective qui non seulement ignore les nuances de la politique tchadienne mais qui risque également d’exacerber les tensions existantes.

L’accusation de tribalisme et de favoritisme religieux, bien que visant à critiquer les pratiques politiques passées, manque de la nuance nécessaire pour engager une discussion constructive sur ces sujets sensibles. En utilisant des termes tels que « rapaces aux mœurs primitives » et en décrivant les actions de certains dirigeants comme celles de « diablotins abruptes et analphabètes », Masra ne fait pas que critiquer des politiques ou des pratiques spécifiques ; il attaque des groupes entiers de la société tchadienne, risquant de marginaliser et d’aliéner ceux qui pourraient ne pas partager sa vision.

De plus, en qualifiant le régime de Tombalbaye de « pouvoir sudiste » et en insinuant une sorte de rêve impérialiste nordiste chez ses opposants, Masra simplifie à outrance la complexité des dynamiques de pouvoir au Tchad. Ce réductionnisme historique ne sert pas le débat public mais le polarise davantage, en créant des caricatures plutôt que de proposer des analyses nuancées.

Le manque de respect envers les aînés et les figures politiques, telles que les critiques adressées à Idriss Déby et à d’autres, révèle une approche qui semble valoriser davantage la confrontation que le dialogue. En politique, la critique est nécessaire, mais lorsqu’elle est dépourvue de respect, elle perd de sa légitimité et de son efficacité.

Enfin, le discours de Masra, tout en se voulant peut-être un appel au changement, risque de saper les fondements même de ce changement en s’engageant dans une rhétorique qui divise plutôt qu’elle ne rassemble. Pour un pays comme le Tchad, où les défis sont nombreux et la cohésion nationale est fragile, une telle approche pourrait non seulement entraver les progrès vers la stabilité et la prospérité mais aussi enflammer les tensions existantes.

En somme, bien que l’intention de critiquer les pratiques politiques et de promouvoir le changement soit louable, la manière dont Masra s’y prend dans son livre soulève des inquiétudes quant à sa capacité à être un leader unificateur capable de naviguer dans le paysage complexe et souvent douloureux de la politique tchadienne.

Page 42 : Succès Masra vise les Nordistes tout en faisant semblant d’insulter l’ancien Président Hissène Habré :

« L’éclatement de la guerre civile du 12 février 1979 n’était ni plus ni moins que la peinture de l’extériorisation d’une longue période d’hypocrisie et de haines sournoises. En réalité, les règnes de Monsieur NGARTA TOMBALBAYE et du Général Félix MALOUM, essentiellement à cause des agissements hautaines du premier, ont été vécus par les originaires du Nord du Tchad  comme un impérialisme ; un impérialisme dont il fallait à tout prix, dès la première opportunité, se libérer.»

Page 47 : Succès Masra s’en prend encore à ses compatriotes nordistes.

« Les orchestrateurs de la longue période trouble et cataclysmique qu’a connue le pays en accédant aux rênes du pouvoir vont porter à son paroxysme la haine fratricide ; et, ériger le laxisme en seul mode de gestion de la chose publique.

Les innommables artisans de la deuxième et de la troisième République du Tchad sont de belliqueux carabiniers s’estimant investis d’une mission de réplique vindicative à la première République, coupable à leurs yeux d’une politique de discrimination à l’égard du nord du pays, leur région d’origine. »

Page 48 : Succès Masra peine encore à dissimuler ses sentiments hostiles envers les Nordistes.

« En propulsant au cœur de l’échiquier national des rapaces aux mœurs primitives, des peuplades vivant en périphérie de l’Histoire, sans le moindre sens de la dignité humaine, les artisans de la médiocrité comme système d’Etat ont porté la couronne d’épine au peuple tchadien avant de l’induire dans un ignoble guêpier meurtrier. Le heurt de ces peuplades cupides, violentes et rétrogrades avec les exigences de la civilisation moderne politique a été un choc thermique aux incommensurables conséquences ; choc thermique qui fera imploser  tout l’appareillage fonctionnel de l’Etat.»

Page 50 : la dictature de Tombalbaye est considérée par Masra comme un pouvoir sudiste.  

« Le seul projet de Monsieur HABRE et de ses FAN était d’anéantir le pouvoir sudiste afin d’ériger sur ses cendres un empire nordiste. Hélas, le macabre rêve rencontra les moyens de devenir réalité. »

Page 52 : du mensonge il passe à l’appel à la haine

« Dès lors, quoi de plus normal que de les anéantir quand on est un régime qui se veut éternel et qui, pour cela, rêve d’un horizon vaste et sans obstacle ? C’était justice ; car les grands maux tel l’impérialisme sudiste ne se jugulent véritablement qu’à l’état embryonnaire, dans la racine !Des garçonnets de tous âges se sont vus, au mépris de leur innocence, fusiller comme des lapins, sans état d’âme aucun ! »

Page 53 : même l’ennemi mérite respect en tant que humain.

« Voilà pourquoi, aux femmes qui résistaient et refusaient d’offrir leurs grâces à ces assassins hardis, ces chiens du désert venus faire rentrer la queue aux autochtones, donnaient froidement la mort. Même quand l’on est de « sexe faible » et qu’on suscite plutôt la pitié du viol qu’une salve de balles, l’on ne pousse pas son insoumission jusqu’à refuser de faire l’ « amour » avec son héros envahisseur, un envahisseur blessé au fond de son être par une récente période de domination. »

Page 70 : Toujours les insultes envers des communautés.

« En termes plus clairs, du simple fait qu’ils avaient en partage la religion musulmane avec le divin clan Gouran, les principaux groupes ethniques du Nord et ceux du centre du pays accédaient à quelque parcelle de dignité humaine supérieure.Conscients de cette logique de la pureté raciale des Gouran à cette époque, nombre de populations dont le dialecte ou la physionomie s’apparentaient au Gouran, se sont laissés aller jusqu’à se renier pour se confondre à cette classe des dieux vivants. Ce fut par exemple le cas de certains Mimi, Zaghawa, Tamas ou même Kanembou… »

Page 75 : Reconnaître la valeur  d’un homme est aussi une qualité, chose que le « président des transformateurs »  ne possède pas ou ignore.

« Idriss DEBY ne vaut rien de mieux que le fruit de cette contingence politique ; et, de ce fait, n’a aucune raison de se targuer d’être un quelconque libérateur, moins encore un quelconque révolutionnaire. L’on friserait le ridicule et le grotesque en présentant comme libérateur ce disciple de la première heure des Forces Armées du Nord (FAN), le laboratoire mortifère de Hissein HABRE. »

Page 78 : le « président des Transformateurs » s’enfonce aveuglement dans les égouts.

« Au plus bête des constats, il se trouva que les hommes armés qui, partout circulaient, n’avaient absolument pas changé en apparence : c’étaient les mêmes diablotins abruptes et analphabètes ; aux yeux hagards, efflanqués comme des brindilles et à l’abondante dentition quasi cunéiforme. »

Pages 80 et 84 : « Déby crétin » et « assassin » ?

« Aussi, ces premières frasques du mouvement voyou de DEBY ne valurent, a priori, pas qu’un jeu à somme nulle. En effet, ce fut l’occasion de la naissance de tous les premiers partis politiques et autres mouvements et associations d’opinion et de contestation pour ainsi les nommer (…) Le colonel DEBY, crétin et assassin par excellence, lui, avait compris que le jeu ne consistait à rien de plus qu’à jouer la malignité du rat ; c’est-à-dire mordre rudement puis, souffler le froid pour endormir. » 

Pages 95 et 96 : Toujours la bienveillance au «  lion du sud »

« Comble de malheur et d’ironie, le temps de ce premier coup de poignard dans le dos, le peuple tchadien essuiera en pleine figure le dédaigneux crachat du Général KAMOUGUE, Mister Widal, le « LION DU SUD » lui-même ! Ayant perdu  sans surprise la dernière bataille des urnes, le Général KAMOUGUE jeta dignement et avec bravoure, son épée de combattant pour jouer au jeu de la fameuse politique de la «  main tendue », sortie on ne sait trop de quel bonnet par le truculent Idriss DEBY (…)  Dans ce bouleversant état de pourrissement, cette scandaleuse détérioration de l’appareil étatique, quels meubles rêvaient de sauver ces traitres politicards, ces vieux boucs castrés qui n’ont à tous égards, ni foi, ni loi ? » 

Page 97 : le manque de respect aux ainés, est une tare en Afrique.

« Quant à Monsieur KEBZABO, il était déjà parti du mauvais pied et de ce fait, s’offrait à un beau tacle de DEBY ; car, en accédant à son poste-cadeau de Ministre de l’Agriculture, il avait déclaré en toute imbécilité, que ni l’agriculture, ni spécifiquement la culture du coton ne s’étaient jamais aussi bien portées au Tchad que sous le régime du MPS. »

« Le Dr. KASSIRE, lui, n’est qu’un joyau des péripéties politiques qui croit merveilleusement se dérober aux critiques par le moyen de sa rhétorique bancale du « politiquement correct ». Et pourtant, Dieu sait qu’il reste et demeurera longtemps encore, un indigent vieux lézard triste qui se brûle à l’incendiaire soleil du ridicule, cloué aux murs des bas intérêts !… »

Page 101 : Tribalisme quand tu nous tiens

« Avec à sa solde les cagneux avortons juristes de la race de NAGOUM YAMASSOUM, de Pascal YOADOUMNADJI ou de YOKABDJIM MANDIGUI pour ne citer que les icones de l’espèce pure que jamais le ridicule ne pourra tuer ; »

Page 105 : le souci partisan de notre homme politique 

« Mais, de quelle laïcité serons-nous bien en droit de nous réclamer dans cette principauté de voyous où le prince DEBY et son entourage  d’hommes les uns plus médiocres que les autres, s’impliquent pleinement dans la gestion de la vie religieuse islamique ?  Nomination de l’Imam de la grande mosquée de N’djamena par décret présidentiel, organisation du pèlerinage musulman vers la Mecque, contre une indifférence complète vis-à-vis de toute autre confession religieuse… 

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