« Entreprises de services de sécurité et de défense russes et chinoises en Afrique : deux modèles concurrents ? ». Tel est l’intitulé du rapport de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) publié en juin 2024, qui a étudié leur expansion dans le continent et les risques que cela présente.
Très discrètes, les sociétés russes et chinoises apparaissent particulièrement actives en Afrique. C’est ce que révèle la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) dans son dernier rapport publié en juin 2024. Selon elle, l’expansion des entreprises de services de sécurité et de défense chinoises (ESSD) en Afrique est principalement venue répondre à une volonté de sécurisation des ressortissants, dont le nombre sur le continent est estimé à plus d’un million, et des intérêts économiques de la Chine, premier partenaire commercial de l’Afrique, avec un volume d’échanges s’élevant à 282 milliards de dollars en 2022.
Quant aux ESSD russes, dit-elle, le marché africain a jusqu’à présent été dominé par le groupe paramilitaire Wagner qui s’est imposé comme le principal outil d’expansion de l’influence russe, en assurant notamment la sécurité de certains régimes, comme en Centrafrique ou au Mali, et « en participant à des campagnes de manipulation de l’information ».
Le modèle russe en pleine reconfiguration
Outre la Chine, le rapport met en effet l’accent sur l’engagement russe en Afrique qui a connu une forte croissance. Selon la Fondation pour la recherche stratégique, Moscou a développé une « stratégie partenariale clientéliste et opportuniste », venant servir ses objectifs de politique étrangère et ses intérêts de puissance. Offrant des accords de défense et services de sécurité sans contrepartie sur le plan de la gouvernance et des droits humains, souligne-t-il, la Russie a réussi à séduire de nombreux États africains souhaitant diversifier leurs partenariats, voire s’éloigner des États occidentaux. « Si de nombreuses ESSD russes semblent peu visibles en Afrique, c’est aussi parce qu’elles ont été éclipsées par Wagner, qui a réussi à développer une forte influence sur le continent », a fait savoir la FRS.
Toutefois, elle estime que le modèle russe est en reconfiguration depuis fin 2023 avec le lancement de Africa Corps, « corps expéditionnaire visant à mener des opérations militaires à grande échelle sur le continent africain pour soutenir les pays cherchant à se débarrasser enfin de la dépendance néocoloniale, à nettoyer la présence occidentale et à acquérir la pleine souveraineté », soutient la FRS qui cite Igor Korotchenko, ancien colonel et rédacteur en chef de la revue russe Natsionalnaïa Oborona (« Défense nationale »).
Selon la FRS, la stratégie d’implantation d’Africa Corps indique une continuité dans la politique étrangère russe et le maintien des priorités stratégiques. Avec Africa Corps, dit-elle, « Moscou mise sur le même type de pays partenaires et poursuit les mêmes objectifs géostratégiques ». La stratégie d’implantation d’Africa Corps présente des similitudes avec celle de Wagner et permet de dégager les critères suivants généralement observés dans les années ou mois précédant l’implantation d’une ESSD russe : « Rapprochement diplomatique avec un pays en proie à une instabilité intérieure et dirigé par un régime militaire/autoritaire cherchant à assurer sa survie ; Conclusion d’accords miniers et d’accords de coopération de défense ; Campagne d’influence politique et de désinformation pro-russe ; Arrivée d’avions russes sur le territoire avec matériel et/ou personnel », lit-on dans le document établi par la FRS.